C’est bizarre, ce mot : succès
Je ne sais pas vraiment ce qu’il veut dire pour moi, mais je sens ce que je ressens. Tant de choses en fait, différentes, paradoxales, opposées même.
De l’envie, oui, d’abord une envie profonde, primaire, j’allais dire animale. Je te veux, succès.
Puis, immédiatement, la peur, comme une claque. La peur qui vient me dire, ma pauvre chérie, le succès, tu n’y penses pas, c’est trop pour toi ! Trop lourd, trop fort, trop.
Alors, la haine semble pointer son nez, elle repart, le sujet ne la passionne plus. Elle est vite remplacée par le dégoût. Comme un arrière-goût amer dans la gorge, plutôt qu’une absence de goût d’ailleurs. Dégoût de quoi, de qui ? De celles qui vivent ce succès ? Quel succès ?
L’émotion se calme. La curiosité plaque un sourire sur mon visage. Tiens donc, me voici espiègle, un peu ironique, même. Je me pose mille questions : que ressent-on lorsqu’on rencontre le succès ? Le succès n’est-il pas un miroir ? On croit le voir chez l’autre, et vice-versa. Chacun se retourne pour vérifier de qui l’on parle.
Je plonge en moi pour pousser mon raisonnement. Et toi, Morgane, le succès, l’as-tu vécu ? Oui, puis-je répondre avec sérénité. Non, puis-je répondre avec anxiété. À moins que ça soit le contraire… dans les deux cas
Puis, je vois, non, je ressens une grande joie
Celle de voir mes enfants pousser comme des herbes folles, libres, imparfaits et heureux. Celle d’être amie intime avec le temps, mon temps. Celle de survivre aux tempêtes qui me bousculent.
Après la joie, la passion, l’enthousiasme, le feu, la folie ! Créer, apprendre, vivre avec une telle intensité, n’est-ce pas un grand succès ? Voir mon chemin croiser mes rêves d’enfance, les dépasser même. C’est… orgasmique…
Ce moment-là, je ne voudrais jamais le perdre. Mais le figer serait contre-nature. Pour le conserver au maximum, j’apprends à éviter la frustration de la comparaison. En quoi le succès de l’autre (ou que je vois comme tel, en ce domaine, l’interprétation est reine) nuirait-il le moins du monde au mien ?
Qu’en est-il de cette jalousie qui débarque parfois, ne laissant que stress et anxiété, voire mésestime de soi ? Accepter qu’elle passe en soi n’est pas si facile, mais efficace pour la voir s’éloigner, laissant place à la gratitude.
Gratitude pour celles et ceux qui, par leur succès, nous ouvrent des voies, nous permettent de porter nos voix, nous donnent l’énergie d’y aller.
Chaque âge de la vie apporte son lot de succès. Apprendre à marcher, lire, vivre ensemble. Puis les émois de l’amour, les affres de l’indépendance et l’ivresse de la jeunesse. L’angoisse mêlée à la tendresse infinie pour ses enfants. La douceur de la satisfaction d’être soi, pleinement. La fierté de ses succès professionnels. L’épanouissement apporté par la réalisation de ce que l’on porte en soi. L’acceptation de son corps, lorsqu’il oublie enfin d’être objet de perfection. La simplicité et l’humilité de ceux qui acceptent leurs paradoxes. La puissance de ceux qui se révoltent, s’indignent, avec persévérance. Malgré la tristesse aussi devant l’injustice de certaines vies.
Mais au final, ce qui reste, c’est la plénitude. Peu importe les succès. Peu importe les échecs. La plénitude de vivre, d’aimer, de créer.
Carpe diem
Billet écrit sur l’inspiration d’un exercice proposé par mon amie Laure, fondatrice des Aventurières et de l’Anti-école de l’entrepreneuriat.
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