J’ai mal au ventre tellement je le veux.
Mal au ventre contre moi-même, contre cette timidité qui m’empêche de vivre.
J’ai 17 ans.
Je voudrais aimer, je brûle d’être aimée. Je m’en crois incapable, je m’en crois indigne.
J’ai 17 ans.
Je n’ai pas une vie d’ado. Je regarde mes congénères vivre, aimer, se déchirer, rire… Soirées sur soirées, soirées manquées, soirées auxquelles je n’irai jamais. Jamais conviée et, quand bien même, aurais-je sauté le pas ?
J’ai 17 ans.
Il vient de naître.
J’ai 34 ans.
Ma vie s’est remplie. Ma carapace s’est fendue, un peu, beaucoup puis trop. Je l’ai refermée.
J’ai continué à avoir 17 ans, encore et encore.
Puis je l’ai rencontré.
Coup de foudre ? Que nenni.
Il s’installe dans ma vie sans même que je le remarque. Les mois passent, il ne tient aucune place.
Une soirée. De ces soirées auxquelles je n’étais pas conviée, avant.
Je ne sais même pas pourquoi.
Il ne se passe rien de spécial. Et tout change dans ma vie. À l’intérieur, tout au fond. Là où personne ne sait ce qu’il se trame.
Il devient sujet d’obsession. Il est de tous mes rêves, de tous mes futurs.
J’ai 34 ans.
Sauterai-je le pas ?
Ma vie n’a rien d’une comédie romantique.
J’ai 51 ans.
Sa vie s’est remplie. Il a aimé, quitté, été quitté. Il en a fait, des soirées.
Ma vie est restée suspendue. À un fil du premier pas.
Celui que je n’ai jamais fait.
Perdu de vue, revu, re-perdu.
Il ne m’a jamais quittée. Pas une seconde.
Des journées à pleurer sur moi-même, sur cette timidité qui m’aura tant gâché la vie.
Et puis.
Le re-voici.
Il ne m’a pas laissé le temps d’oser ce que je n’avais jamais osé.
J’ai 17 ans. À nouveau.
Il a 17 ans. De moins que moi.
Nous n’allons pas aux soirées. Nous n’avons plus de temps à perdre.
Chaque jour, chaque heure, chaque minute compte.
Nous aurons mis 17 ans à nous trouver.
J’ai 68 ans.
Je l’ai perdu. Son cœur n’a pas voulu lui laisser découvrir la vieillesse. Son cœur m’a trahie, après m’avoir tant donné.
Il est toujours avec moi. Il le sera toujours.
Nous avons eu 17 ans.
17 ans d’éternité.
J’ai 85 ans.
Je vais le rejoindre.
17 ans à me préparer.
Je suis prête.
J’ai 17 ans. Lui aussi.
Chaque soir, nous revivons tous nos « premiers ».
Temps suspendu, cœur qui bat, regards, fusion.
17 ans. Quel bel âge.
Jennifer
27 octobre 2019Ce texte est magnifique Morgane…
Merci de l’avoir partagé
MG
31 octobre 2019Ce que ça m’a inspiré dans l’instant : https://www.youtube.com/watch?v=f_OtHVLAF4o
XX
Stephan
25 avril 2020c’est si touchant ce que tu écris
si emprunt de délicatesse
si tendre et si bouleversant Morgane