L’envie, non, le besoin de garder trace de cette journée…
L’envie, non, le besoin d’utiliser mes armes à moi : les mots.
L’envie, non, le besoin de partager, dans le silence des paroles, dans la fureur de l’écrit, ma rage et ma douleur.
Je fus journaliste, moi aussi. Oh, je n’ai jamais risqué ma vie ou mis en danger qui que ce soit avec mes écrits. Mais j’ai toujours partagé avec les autres scribouillards la passion de l’information, du doute, de la curiosité, du coup de pied dans la fourmilière…
Et être là, chez moi, vivante
Il est 13h40, je suis chez moi. On est mercredi, les enfants ne sont plus à l’école.
Je suis au chaud, je vais bien, tout va bien.
Oh, je sais que le monde va mal aussi, mais là je n’y pense pas.
Et, brusquement, le fil d’actus qui s’affole, l’info qui tombe.
Charlie Hebdo. Attentat. 12 morts.
Je pleure, je pleure, je pleure, sans pouvoir m’arrêter.
Je pleure sur nous, je pleure pour eux.
Je pleure de ne pas pouvoir comprendre, je pleure de rage, de colère.
Je pleure de sentir la haine qui se déverse, comme si elle n’attendait que ça.
Je ferme tout, je suis au bord de l’implosion. Envie de protection, de rentrer en soi.
Que faire ? Se sentir tellement impuissant.
Refuser d’accuser les « autres » de n’avoir pu réussir à protéger. Qui peut réellement se protéger de la folie meurtrière ?
Je chéris la liberté plus que tout, individuelle comme collective.
Défendre la liberté d’expression, la liberté de vivre, la liberté de laisser vivre.
J’avais 12 ans en 1985.
J’avais 22 ans en 1995.
J’avais 28 ans en 2001.
J’avais 39 ans en 2012.
J’aurai 42 ans en 2015.
J’enrage de lire ces commentaires sur des « morts gratuitement », comme si l’on pouvait mourir autrement.
J’enrage de cette haine qui détruit, qui mène des humains à vouloir plus que tout détruire d’autres humains, à les mettre à genoux, à les faire plier, les mettre en esclavage.
J’enrage mais je refuse d’être comme eux, je refuse de laisser la haine de l’autre, de soi, me gouverner, dans mes paroles comme dans mes actes.
Je veux croire que continuer de marcher la tête haute sera ma façon à moi de lutter.
Les heures ont passé, j’ai continué à pleuré. Je ne suis pas la seule et je suis plus fière de l’humanité qui jaillit que honteuse de la haine qui essaye de s’incruster de toute part.
Je regarde mes enfants, trop petits pour que je les informe. Je les écoute se disputer et je souris de les voir si vivants, si libres. J’espère que, comme Charb, ils oseront un jour affirmer : « C’est peut-être un peu pompeux ce que je vais dire, mais je préfère mourir debout que vivre à genoux. »
Quelques hommages en dessins sur Libé.
Pour que vive le droit de dire des conneries et de faire rire !
Pour toutes les victimes. Toutes.
La Marseillaise, légèrement revue et corrigée 😀
« Rions enfants de la patrie (i-euh)
Le jour d’poilade est arrivé !
Contre nous les blagues pourries (euh)
Le stylo et l’humour sont levés !
(Le stylo et l’humour sont levés)
Entendez-vous dans nos campagnes
les fous rires envahir la foule ?
Nos conneries, en toute dérision
feront se tordre de rire et de plaisir (ir)
Aux marrades citoyens !
l’hilarité va nous gagner.
Rions, rions !
Que la tristesse
en farces disparaisse »
Lyvia
7 janvier 2015Oh, Morgane, en lisant ton article, j’ai envie de pleurer. Je suis dans l’incompréhension, mais je me dis qu’il est d’autant plus temps que des forces positives fassent face à ces forces étranges et obscures. La liberté, droit qu’on croyait acquis ici, eh bien, nous ne devons pas cesser de se battre pour…
Virginie
8 janvier 2015Des mots sur nos maux… Joli article.
Magaly H
8 janvier 2015Merci pour ton article, tes mots …
« Pour que vive le droit de dire des conneries et de faire rire ! » : oh oui !!!
Et vive la liberté d’expressions, protégeons la.
Morgane
19 janvier 2015Ah ça, pour faire des conneries, je trouve toujours des volontaires 😉 !
Morgane
19 janvier 2015Merci Virginie 🙂
Morgane
19 janvier 2015Lyvia, j’ai laissé passé le temps pour répondre. Mais que répondre… Agissons chacun à notre niveau, c’est la seule chose qui me semble « utile »
Aussage Catherine
28 janvier 2015Bravo pour vos écris …j’adore
Morgane
28 janvier 2015Merci Catherine, au plaisir de vous recroiser chez moi 😉